Weekend à Llo

en juin 2011, nous décidions de passer un weekend à Llo, un charmant village catalan propice aux inspirations littéraires, suit un petit florilège de textes écrits lors de ce court séjour...




Là-haut

par Daniel 

J’habite là-haut sur la montagne
Au bord d’un torrent violent, impétueux et tempétueux
Une pente l’alimente au gré des tempêtes de neige
Sur laquelle je vais glissant mon regard pour repérer le foutu ours qui s’attaque à mes agneaux
Où rien ne me retiendra de lui tirer une balle… pour lui faire peur
Si je ne sais pas parler son langage, je saurai quand même bien lui faire entendre raison

Mais les mots qui me sauveraient, je ne les ai pas entendus. Ceux qui ont été prononcés
Ont déjà glissé
Sur la pente de la trappe de l’oubli de ma mémoire

Alors je cherche ailleurs le réconfort

Près de mes bêtes tout d’abord
Dans leurs jeux qui toujours me surprennent
Sous l’auvent de la bergerie quand je contemple le soleil qui disparaît
Derrière l’horizon
Devant un bon vieux film de Charlot
De l’autre côté de la montagne parfois
Au-dessous du bosquet de pins où les brebis se prélassent en ma compagnie
Au-dessus de tous ces enquiquinements de la vie
Et je me dis que « Plus on rajeunit vers la fin, … »



Là-haut sur la montagne, un torrent violent, impétueux et tempétueux alimente au gré des tempêtes de neige mon regard pour repérer le foutu ours qui s’attaque à mes agneaux.
Lui tirer une balle… pour lui faire peur ? …Mon langage, je saurai quand même bien le lui faire entendre !

Je ne les ai pas entendus, ces mots qui ont été prononcés, partis par la trappe de l’oubli de ma mémoire

C’est le réconfort !


Porte ouverte fermée
par Daniel 




Une porte ouverte / Et une porte fermée

Quelque chose / Entre par les deux
Quelque chose / Sort par les deux
Quelqu’un / N’entre pas par les deux
Quelqu’un / Ne sort pas par les deux
Quelque son / Entre par les deux
Quelque son / Sort par les deux
Le mystère d’une porte fermée
Le mystère d’une porte ouverte
Un oiseau entre par la porte ouverte
Un oiseau ne sort pas / Porte fermée
Un oiseau crie / Porte fermée
Cri de l’oiseau / Porte fermée
Quelqu’un toque / Porte fermée
Quelqu’un n’entre pas / Porte fermée
Un oiseau vole / Porte fermée
Un oiseau crie / Porte fermée
La femme ouvre la porte fermée
La femme libère l’oiseau
Porte ouverte / Oiseau libre
L’oiseau sort / Porte ouverte
L’oiseau chante / Porte ouverte


La pente de San Feliu

par Daniel

Des barbares font de la confiture avec un chien.
Est-il en train de nous décrire dans sa tête une chenille velue dans le melon à l’anis ?
Seize heures. Derrière la trappe de l’oubli, ma mémoire fait entendre la fin.
La porte d’Alione reste imperturbable.
Août venant, l’oiseau chante au clocher de Saillagouse.
Un poisson arrivait au loin dans la brume.
Des pierres en arêtes, la batteuse, le cœur de la civilisation … Foutu ours !
Le mystère d’une porte ouverte qui bat sur la pente de San Feliu…



La porte d’Alione

par Daniel 

Je porte un beau nom, n’est ce pas ? Ce n’était pas mon nom à l’origine mais c’est à la suite de la visite d’Alione d’Asti au début du 16ème siècle que l’on me donna ce nom. Il était entré dans le château, bien sûr, en me franchissant et, lors de son séjour, il avait composé un poème où il était question d’une porte. Il avait semblé évident au seigneur de l’époque qu’il s’agissait de moi, c’est ainsi que je suis devenue « la porte d’Alione » !
Ah, il était beau et majestueux, mon château, quand on l’avait construit ! C’était au début du Moyen-âge, et son bâtisseur avait beaucoup voyagé pour l’époque. Il était presque allé jusqu’à Toulouse ! Et il en avait ramené des inspirations. A Hautpoul, il avait bien observé le mur de la forteresse établie sur un piton, au Nord de la Montagne Noire. Et c’est ainsi qu’il avait intégré, dans le mur du château, des pierres disposées en arêtes de poisson. On dit que ce sont les Wisigoths qui avaient imposé ce type de construction. Cela aurait, paraît-il, renforcé la construction ! La construction était peut-être solide, mais le charpentier qui m’avait conçue avait dû, lui aussi, avoir des conseils lors de ce voyage qu’ils avaient fait de concert, car il avait eu soin de bien choisir mon bois de châtaigner, l’assemblant avec des chevilles qu’il avait taillées dans un bois qu’il était allé chercher spécialement dans la montagne.
J’avais donc fière allure pour défendre l’entrée du château, quand, un matin de brouillard du début du Xème siècle, alors que je fleurais encore le bon bois en cours de séchage, une bande de barbares a surgi en braillant de la brume. Les gardes de faction avaient eu le temps de me refermer avant qu’ils n’atteignent l’enceinte. S’ensuivit une panique dans la population. Le seigneur, peu habitué à ces irruptions, crut bon d’opposer une résistance à ces soudards. J’en fis en partie les frais. Ils entaillèrent mes flancs avec leurs haches à l’acier acéré. Ma résistance avait failli les tenir en échec. Mais, le fils du seigneur qui rentrait de la chasse et ne se méfiait pas, fut capturé par les assaillants. Le seigneur préféra ordonner qu’on les laisse entrer et ils purent se servir à volonté, tuant, violant et raflant tout sur leur passage. J’ai entendu dire que le roi de France avait fini par les amadouer en leur donnant quelques terres. Des Normands, on les appelait, si je me souviens bien !
Par bonheur, le petit-fils du charpentier qui m’avait assemblée avait échappé à l’hécatombe et, ayant appris les bons gestes de son aïeul, il me restaura et c’est comme neuve que je franchis le cap du nouveau millénaire. Je vis alors des prédicateurs de tout genre me franchir. Des moines qui prêchaient la croisade et finirent par enrôler le seigneur de l’époque. Des « bons hommes » venus porter la bonne nouvelle du catharisme, mais ils eurent peu d’adeptes dans notre région. Des inquisiteurs qui dénichaient des sorcières parmi nos braves paysans, et particulièrement chez les simples d’esprit. Des partisans de la Réforme, pourchassés par les catholiques et qui cherchaient refuge en se dissimulant sous des métiers ambulants.
Même si je vis quelques atrocités, on ne porta pas atteinte à mon intégrité. Mais les ans ont passé et, au fil des siècles, des restaurations ont été nécessaires. Il ne reste plus grand-chose de mon bois d’origine. Pas plus qu’il ne reste beaucoup des pierres de mon château originel. Passant, vous qui arpentez ces sentiers balisés, si vous regardez bien, peut-être saurez-vous distinguer des traces du passé dans ces murs. Ayez aussi une pensée pour toutes ces vies qui ont caressé mon bois et m’ont admirée. Mais je vous le confirme, comme vous le dit si bien Armand, « plus on rajeunit vers la fin, plus le sac est lourd… » !


Le battage

par Daniel 

Août venait d’arriver. Alione attendait impatiemment ce jour où l’on allait battre les quelques maigres meules de blé et d’orge que son père avait récoltées. La cour était encore calme quand elle s’était levée dès l’aube.
Bientôt, il y aurait foule dans cette cour et l’on n’entendrait même plus les bruits d’eau de la cascade. Un bruit de pas résonnait et allait croissant dans l’escalier d’ardoises. Quelques minutes après, effectivement, les hommes arrivèrent suivis par les voisines qui, elles aussi, venaient prêter main forte.
Comme à l’accoutumée, en milieu de matinée, une pause serait observée pour restaurer les hommes participant à ce dur labeur. Alione avait, à cette occasion sorti le miel d’acacia du printemps, les confitures de melon à l’anis qu’elle préparait si bien, ainsi que la confiture de cynorhodon ou de framboises sauvages. Ils connaissaient ses talents et c’est avec une certaine impatience qu’ils attendaient ce moment arrosé de jus de sureau et accompagné de quelques pommes de terre fraîchement ramassées dans le champ derrière la ferme.
Pour l’heure, ils s’activaient autour de la machine. Alione les voyait bien au travers de la fenêtre de la cuisine. Il y avait le gros Jules qui enfournait les gerbes en ahanant. Pierre qui les lui passait depuis le haut de la meule. Jean et Henri qui entassaient la paille égrenée. Son père qui recueillait le grain dans des sacs de jute. Et surtout, Gustave, qui empoignait les sacs et les jetait sur son épaule avec d’autant plus de vigueur qu’il avait surpris le regard posé sur lui. Il monta dans le grenier pour vider son fardeau.
Elle le connaissait bien, le Gustave ! Depuis leur tendre enfance ! Et ils étaient allés à l’école ensemble. Ils se retrouvaient quelquefois derrière la tour. La semaine dernière, ils étaient même allés jusqu’à la chapelle de San Feliù. Ils s’étaient allongés parmi les herbes folles et contemplaient leur vallée. Quelques décennies plus tard, ils pourraient y distinguer la tour de Thémis qui pointerait dans la brume. Mais pour l’instant, le gazouillis des linottes et le couplet lancinant du coucou se mêlaient aux mots tendres que Gustave lui susurrait à l’oreille.
Il arborait à sa boutonnière une fleur d’iris que le vent malin avait rompue. Ils observaient les nuages, y reconnaissant le profil du vieil Armand qui s’était éteint l’hiver dernier. Lui qui ne cessait de répéter à toute occasion « Plus on rajeunit vers la fin,… »
Tout à coup, Alione se redressa en poussant un cri et elle se retourna en levant les mains. Mais ce n’était qu’une touffe de panicaut qui l’avait picotée au travers de sa jupe !


Llo

par Jean-Louis 

-I-

On est au point culminant du village, ou presque. Devant nous, sur son éperon rocheux, c'est le « castell » dont le donjon s'imposait hier soir en veilleur raide bien éclairé dans la nuit du village juste percée de pâles lampadaires. Elle semblait alors toute proche et très haute dans sa raideur de cube étiré.
Là, elle nous est cachée par le mur d'enceinte arrimé à un socle rocheux dont il épouse l'arrondi. À droite, une tour d'angle massive dont les structures de défense ont dû être abattues. Le sommet arasé n'est plus qu'un crâne sur lequel des herbes sèches frémissent sous un vent léger, comme les cheveux fins d'une vieille tête.
Le portail d'entrée est face à nous, perché plus haut que nous au bout d'un vieil escalier dont les marches de grosses pierres rouillées soutiennent une terre bien tassée sur laquelle une herbe bien verte pousse drue. On ne doit pas souvent passer par là.
Sur le mur plein dont les pierres nues dessinent des vagues écrasées, une fenêtre paradoxale est percée hors de portée avec son cadre en bois de travers, œil vide ouvrant derrière sur une autre structure de bois avec son carreau, celle-là.
La lourde porte de bois surprend quand on s'en approche. Pas de serrure ancienne où couler l'œil pour voir derrière la cour qu'on imagine devant la tour. Non, un nom peint sur un bout d'ardoise, comme une maison particulière. Et un cordon qui doit donner l'alerte en agitant, dans les profondeurs, une sonnette. Des traces d'aménagement électrique.
Et, ô surprise ! Quand on cherchait la tour visible de partout depuis qu'on était arrivé à Llo et qu'on croyait maintenant cachée par ce mur d'enceinte comme si une cour devait obligatoirement s'ouvrir derrière ce lourd portail de bois jusqu'à ses pieds, il suffisait de lever la tête pour voir que la tour étaient bien là, mais pas où on la cherchait, bien au-dessus de nous. Il nous restait à grimper encore par des sentiers rocailleux pour arriver vraiment à la base du pauvre donjon réduit à trois murs mais quand même percé d'une porte donnant sur le vide. D'ici on domine bien le bâtiment d'enceinte qu'on avait pris d'abord pour le château.



-II-

Roberto Juarroz a écrit :
« Une fenêtre ouverte/et une fenêtre fermée
Quelque chose/entre par les deux
Quelque chose/sort par les deux »
Ici, le vent seul ose franchir ce seuil sur le vide mais, en vigie, quand le corps se cale bien aux pierres pour ne pas se laisser entraîner, l'œil se croit rapace, dominateur, libre sur un très grand angle de voir et de humer ce paysage grandiose, le contrefort rocheux ouvert en amphithéâtre sur une large succession de prairies et de bois, des villages accrochés aux pentes, des maisons imbriquées et des toits en cascades. Un cirque immense avec, comme dans le théâtre antique, les sons de la vie qui montent parfaitement clairs jusqu'à nous. Un paysage serein, peu de mouvements mais des roulements de tondeuses ou des traversées de tracteurs.
Les sommets les plus hauts, en face, loin de l'autre côté de la vallée, portent encore leurs traces de neige. Dans cet espace, le ciel joue des variantes. De grands à plat d'un bleu intense sous lesquels se glissent de légers nuages ouatés dans lesquels le soleil sculpte des reliefs, les traînées parallèles du passage des avions et, comme s'arrachant des sommets d'en face qui les accrochent, des volutes plus inquiétantes par leur gris profond et qui semblent vouloir venir vers nous.


-III-
Les deux tours

La tour sur son piton rocheux domine tout ce large paysage que regarda sans doute la belle Alione avant que les hommes d'armes la précipitent du haut de ses murs pour lui faire expier l'audace d'avoir aimé l'écuyer le plus beau et de n'avoir eu aucune honte à laisser éclater sa joie. Lui, les brutes l’avaient percé de leurs glaives et réduit en charpie pour qu'il ne reste rien de la prestance du garçon et de son beau visage. Le temps en a effacé même le souvenir, seul le marbre semble vouloir en garder la trace, couvert qu'il est d’une sorte de lichen ocre qui lui donne un aspect rouillé. Les ruelles qui dégringolent de là vers le bas du village rafraîchissent par des bruits d'eau qui cascadent sous les églantiers. Les rues se précipitent aussi en escalier entre de hauts murs de grosses pierres blondes soutenant le jardin où un noyer verse son ombre envahie du parfum des sureaux. Des dalles d'ardoise conduisent à un petit jardin découpé dans un espace improbable où le feuillage des pommes de terre émerge des herbes folles. Le minéral est envahi par la verdure. Beaucoup d'iris, des acacias. Parfois, un nuage léger vient ombrer la vaste ouverture bleue du ciel que le regard circulaire peut voir jusqu'au lointain massif encore piquetée de neige et dont s'échappe, comme une fleur de béton, la haute structure d'un four solaire, exact pendant de la tour d’Alione qui donne un avenir contre la mort. Dans ces vastes espaces libres au vent, le calme domine. On est bien.


-IV-

J’habite en cet instant un bruit d'eau et le souffle du vent
Au bord d'un torrent de montagne assez nourri pour être joyeux
Une pente escarpée de part et d'autre
Sur laquelle je vais glissant dès que je m'éloigne du creux sonore et ensoleillée
Où rien ne me retiendra sur cette végétation traître qui coule par-dessus les pierres qu'elle masque, aussi glissante que mouillée.
Si je ne sais pas parler de la pluie et du beau temps, des diarrhées du chien de la voisine ou du prix ahurissant des légumes, je glisse plus à l'aise vers les mots du bonheur, de la gourmandise ou du plaisir.
 Mais les mots qui me sauveraient à coup sûr de l'ennui sont ceux qui rebondissent comme un long échange à Roland-Garros, qui
 Ont déjà glissé de vous à moi dans les instants d'élections, nous entraînant
Sur la pente d'une complicité à la fois si surprenante et belle que, pour un moment, on exulte avec le cœur si secoué qu'on peut se demander parfois si on ne va pas en claquer.
Alors je cherche ailleurs la même impalpable attirance qui parfois, juste en trois allumettes, allume un intense feu de joie juste par des mots
Près de toi dont la voix me chatouille
Dans le choix des mots les moins attendus pour enflammer l'imaginaire
Sous le ciel infini des possibles
Derrière la connerie ambiante dont il nous arrive de nourrir ce feu de joie
Devant ce qui nous épouvante mais contre quoi on ne peut rien
De l'autre côté du tricotage habituel quand on choisit la dérision comme ultime politesse
Au-dessous de la menace d'une connerie ultime
Au-dessus de la peur dont seuls les mots savent nous garder.


-V-
À quoi tu penses ?

Je ne crois pas qu'on soit le même dans un métro bondé et là, dominant toute cette large vallée après l'effort de la marche qui nous a conduits lentement bien au-dessus de ce qui, ce matin, nous semblait haut. Déjà au niveau du son. Ce qui est présent d'abord, c'est le vent qui nous enveloppe, par un vent violent mais le souffle de l'air que rien n'arrête, qui a pu caresser les neiges, en face, avant de nous passer sur le cou, un vent qui n'a pas d'odeur forte, non. Qui fouette et régénère, nous libère de la sueur, du confiné. Et puis une rumeur qui monte de la vallée, comme un bruit de fond, mais rien qui monte, comme ce matin, de la scène vers les derniers gradins. Là, c'est juste un rappel de la vie, de l'activité humaine en bas dont on voit peu, d'ici, le mouvement. La distance ralentit le déplacement des voitures alors que la vue nous livre plusieurs villes avec leurs tentacules au long des voies de circulation comme des mains qu'elles tendent les unes vers les autres. En bas, le dessin de l'érosion sur un éperon rocheux est creusé par la lumière. Cela fait autant de plans exposés comme une maquette. Le soleil déclinant rehausse les pierres nues des crêtes d'une touche d'ocre clair lumineuse.
Vu d'ici, le monde est encore beau. Le travail des hommes emmêle des prismes qui à cette distance sont mêlés par les touches vert foncé des arbres pour composer un assez beau tableau géométrique. Des masses qui s'équilibrent, de grands à plat vert tendre de terres cultivées.
Alors moi, là-dedans, à quoi je pense ? À rien de particulier. Je suis. J'y suis et mon œil joue à essayer d'évaluer les distances, les hauteurs. Oh pas en géomètre ! Simplement à ne pas me laisser tromper par mes sens qui mélangent les divers plans et évaluent mal les hauteurs les unes par rapport aux autres.
Là-haut, sur la ligne de crête des sommets, juste en face de moi, une mer de nuages prise derrière semble un temps déborder et s'écoule mollement vers ici, comme une cascade lente. Certainement pour un assaut du vent d’Espagne parce que cela ne dure pas.
Que suis-je là ? Pas une pensée. Un corps qui respire, une peau qui savoure le soleil, le vent, et un cœur apaisé qui ralentit mon souffle. C'est bon.
C’est sûr je ne suis pas le même coincé dans les odeurs et le bruit du métro en heures de pointe.


-VI-
Vert


Ayant perdu sa pantoufle de vair, Cendrillon se précipita dans la serre pour retrouver ses esprits, cachée dans la verdure d'une végétation luxuriante qui l'abritait aussi de la fraîcheur de la nuit. Dans son trouble, elle s'appuya de la main à la terre molle d'une poterie et hurla en apercevant un malheureux ver entrelacé à ses doigts. Le cœur fou, elle se précipita contre les vitres, écrasant le nez au verre des parois pour voir dehors les dernières femmes en vertugadin regagnant leurs attelages. D'humeur versatile, elle balaya sa peur dans la contemplation des fleurs aux nuances infinies, peut-être étourdie dans ce bain de chlorophylle, touchée par le linéament des arborescences figeant d'innocentes évocations des plus gros serpents de la nature, des plus beaux aux plus inquiétants, qu'elle pouvait imaginer là en passant sous leur arche avec un sentiment très nouveau de courage. Depuis qu'elle n'avait plus un carrosse mais une citrouille pour rentrer nu-pieds, elle se faisait un peu l'effet d'une héroïne. Passée la première peur, elle se sentait très bien dans ce rôle nouveau. Elle pensa en plus que cette couronne de verdure dans la pénombre de la serre devait particulièrement adoucir son teint. Bref, sa situation lui plaisait. Pour l'instant.



 

Balades bucoliques

par Sylvie 

J’ai pénétré dans le village par l’une de ses ruelles étroites & pentues,  … une force tranquille se dégage de l’ancien bastion d’Allione et s’abat sans crier garde  sur le voyageur flâneur… cette force, ce sont les ans … ici le temps semble s’être arrêté.   Mousses, graminées graciles  et herbes folles ont envahies les rocs et tous les interstices des constructions humaines  … la nature reprend ses droits sur le marbre aux fenêtres, le granit des murs ou les ardoises usées et jaunies …. Ca et là, les vestiges du passé disparaissent sous le poids des nuages et de la végétation : la veille tour témoin de l’âge d’or du village cohabite avec les sureaux et les églantiers et fleure bon à qui a le courage de grimper jusqu’à ce promontoire. Belle récompense pour le voyageur, après avoir gravit les dernières marches de l’escalier, à l’ombre des acacias et noyers, que de respirer l’air frais à pleins poumons surplombant  ce havre de tranquillité.  J’ai bien mérité ma sieste bucolique bercée par le murmure des sources et le gazouillis des fontaines. Je vais retrouver en rêve & en chevalier s’il vous plait,  Allione et ses splendeurs passées. Merci de ne pas me réveiller car il va falloir ruser pour séduire la belle … peut-être m’accordera t’elle ses faveurs tentée par mon délicieux gratin de pommes de terre … allez savoir la gourmandise est le plus beau des défauts.
 
POEME DU JOUR
par Sylvie 

Il y a quelqu’un, une âme cachée
Un ange pointe sa fraise, sourire du paradis
Image fugace, image rêvée
Doux traits, imprimés dans ma mémoire
Retour en enfance au temps des messes dominicales 
Bercée par les psaumes, à scruter la fresque divine
Peuples de damnés, de pieux chanceux
Démons féroces, anges malicieux
Te revoilà, qui me joue des tours
A chercher l’issue, le passage magique
Fenêtre sur l’enfer, fenêtre sur le paradis
J’ai visité vos deux mondes, et y ai pris goût 


DERRIERE LA PORTE


par Sylvie 

Poussée par la curiosité de son jeune âge, 5 ans, elle avait escaladé laborieusement le vieil escalier de pierre … c’était devenu un jeu d’enfant de faire des pas de géants entre chaque marche avec  ses petites jambes qui maîtrisaient bien maintenant la marche. Sans qu’aucun de ses parents ne s’en rende compte, l’enfant avait ainsi échappé à la surveillance familiale… Ni une ni deux, elle se trouvait maintenant en face de la lourde porte en bois cloutée du château. En se hissant sur le point des pieds, elle réussit à attendre le loquet … et la bobinette cherra … derrière, pas de grand méchant loup, mais un fabuleux jardin gardé jalousement des regards. Sur le porche l’enfant hésita un moment à  basculer dans ce nouveau monde.  Mais l’appel de l’inconnu et d’un mystérieux nain de jardin eurent le dessus. Sans se retourner, elle sauta à pieds joints la margelle, tira doucement la lourde porte derrière elle et commença à savourer sa fugue. A l’intérieur, tout semblait différent …abeilles et papillons butinaient ses boucles et vrombissaient sans cesse « approche toi, n’aie pas peur » dit l’un « nous t’attends » dit l’autre … et c’est alors que le nain de jardin lui fit un clin d’œil. Elle n’avait pas rêvé, ce monde mystérieux figé juste alors s’animait. Sortant de ses rêveries, elle s’aperçut que le nain de jardin était maintenant devant elle agitant son bonnet rouge intense et lui tendant la main : «  Alice, viens avec moi, laisse moi te présenter à notre reine » … et suivant ce chapelier fou de fortune, Alice s’avança confiante.


A QUOI TU PENSES ?

par Sylvie 

Je suis au pied de la chapelle et au pied d’un mon bout de ma vie ….
Ce lieu m’est familier … c’est mon nid d’aigle, mon repère qui consigne les différents passages de mon histoire…
J’y ai déposé mes peines, mes peurs, mes vœux, mes souhaits…
Je suis venue ici, à tout âge, pèlerine intemporelle …
Seule, en famille, accompagnée d’amis … avec ceux que j’aime et ceux que j’ai aimés …

Sentiment d’être un et un tout avec l’univers
Je suis le lien entre la terre et le ciel, entre les vivants et les morts
Je suis en apesanteur
Je me fonds dans cette immensité, je suis air, je suis ciel, je suis terre …
Je suis élément, je suis esprit, je suis ange ...
Je suis nue, je suis moi, je suis sans carapace
Je joue à cache-cache avec les nuages
Je suis, je ne suis plus

Ici le soupir devient chant
Le souci devient un rêve léger
Tout est possible, le monde est suspendu

La rosée me baigne
Le serpolet me nourrit
St Feliù me réchauffe de sa bienveillance

Je suis tout simplement bien
 merci à tous les participants




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